Par Alexandra Poirier
M.SC., Ps.éd.

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Il va sans dire que la course électorale a fait couler beaucoup d’encre depuis les dernières semaines. Parfois, positivement, parfois négativement! De toutes les promesses énoncées par les candidats, une a particulièrement attiré mon attention : celle de la maternelle 4 ans pour tous. Cette promesse a d’autant plus d’importance, avec le gouvernement caquiste au pouvoir!
Lorsque ce projet a été mis sur pied, l’objectif était louable : permettre aux enfants de milieux défavorisés qui n’avaient pas accès à un service de garde de qualité de fréquenter un milieu d’apprentissage. Depuis sa mise en place, ce programme a permis à plusieurs enfants vivant dans un contexte de vulnérabilité de bénéficier de services adaptés à leur capacité, prenant en considération l’ensemble des domaines du développement global.

En revanche, avec les années, l’équité initialement promise, à laisser place à un idéal de scolarisation hâtive pour tous les enfants de 4 ans! Mais considère-t-on l’unicité, les forces et les capacités d’adaptation de ces enfants en mettant de l’avant ce projet? Celui-ci répond aux besoins de qui?

Tout se joue à 4 ans?

Pourquoi cet engouement soudain pour cette période de vie de l’enfant? Le chef caquiste, François Legault, a répété à maintes reprises qu’il est important d’intervenir tôt dans la vie de l’enfant, pour lui assurer une réussite scolaire… Comme si les années et les expériences antérieures de l’enfant ne comptaient pas!
C’est durant les trois premières années de vie que s’installent les fondements du langage et l’enfant a besoin d’être soutenu dans l’apprentissage de la gestion de ses émotions, des habiletés sociales, et j’en passe! Il est nécessaire de prendre en considération les étapes de son développement, car la période de la petite enfance ne se situe pas uniquement à 4 ans!

Des pours et des contres
Plusieurs textes ont fait les manchettes au cours des derniers jours pour étoffer le débat qui entoure ce sujet.
• « Le milieu scolaire ne répond pas aux besoins des enfants de 4 ans ».
• « Les enseignants sont formés et bien outillés pour accompagner les enfants de 4 ans ».
• « Les coûts liés à la création de nouvelles classes, à l’embauche d’enseignant, de personnels surveillants attitrés au service de garde seraient exorbitants ».
En tant que psychoéducatrice, je n’entretiens pas une vision clivée de la situation. En effet, il est vrai que la maternelle 4 ans demeure une opportunité de développement et de stimulation pour les enfants de milieux défavorisés. De mon point vu, il s’agit d’un aspect positif à ce programme d’éducation. En effet, certains enfants n’ont pas la chance de fréquenter un milieu de garde de qualité, par manque de place dans ces derniers ou faute de ressources de la part des parents. La maternelle 4 ans agit donc à titre de facteur de protection dans la vie de ses enfants, offrant la possibilité d’enrichir le bagage d’expériences et de développement de ceux-ci.
Toutefois, je crois qu’il ne serait pas profitable pour tous les enfants de bénéficier de ce service. Sans être une économiste redoutable, je me demande tout de même la pertinence d’injecter des millions de dollars dans la création de nouvelles classes et dans l’élaboration de nouveaux services, alors que ces mêmes sommes pourraient tout simplement être redistribuées dans les milieux de garde québécois. À mon sens, c’est enlever l’argent de Pierre pour le redonner à Jacques!

À 4 ans, ce n’est pas tous les enfants qui ont la maturité, ni l’autonomie de fréquenter le milieu scolaire. Et je ne parle même pas du développement. Il faut aussi prendre en considération la taille des groupes… Il est certain que ceux ou celles qui présentent plus de difficulté et des besoins particuliers ne bénéficieront pas de la même attention en étant dans un petit ou grand groupe.
Par ailleurs, qui dit difficultés et besoins particuliers, dit présence de psychoéducateurs, éducateurs spécialisés, et autres professionnels assurant le soutien de ces enfants. Est-ce que la formule proposée par M. Legault prévoit un accompagnement en ce sens? Encore une fois, le soulèvement de ce questionnement milite en faveur des milieux de garde, puisque les collaborations avec les services de santé pour les enfants sont déjà établies et que plusieurs milieux de garde québécois offrent déjà l’accessibilité à des services spécialisés pour soutenir les enfants ainsi que le personnel éducateur.

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Il ne s’agit pas ici de faire le procès des éducateurs (trices), ni des enseignants (tes)… Nous sommes tous d’accord pour dire qu’ils font un travail EXEMPLAIRE, dans le souci du bien-être de l’enfant. Il s’agit plutôt de respecter les besoins des principaux intéressés : les enfants! De respecter leur unicité ainsi que chaque aspect qui englobe leur développement. Il n’y a pas un enfant identique, et cela ne changera pas! N’essayons pas de cadrer ce qui n’a pas à l’être, laissons simplement les enfants être ce qu’ils sont.

Finalement, la maternelle 4 ans demeure un sujet d’actualité, mais aussi un débat sociétal… Nous aurons à nous positionner face à cette fameuse promesse, en tant que professionnel, parent, éducateur et citoyen.

À bientôt !
Alexandra Poirier
Psychoéducatrice

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