Par Émilie Martinet
Éducatrice à la Petite Enfance
Depuis un certain temps, j’ai l’envie criante de tordre le cou à une idée répandue et j’ai décidé d’utiliser mes prochains textes sur Natis pour y parvenir.
Dans les dernières années, on entend de plus en plus parler de parentalité positive et d’éducation bienveillante. On retrouve même cette vision de l’intervention dans les grandes lignes des programmes éducatifs gouvernementaux dédiés à la petite enfance. Plusieurs opinions en émergent, dont l’idée que parentalité positive, éducation bienveillante et écoute des émotions rime avec laxisme. Et au contraire, que rigidité et autoritarisme rime avec… obéissance.
Mais parentalité positive et éducation bienveillante ne rime pas avec laxisme… Ni avec obéissance !
Elles riment avec fermeté bienveillante, constance, écoute, limites, respect et surtout ; reconnaissance. Reconnaissance de ce petit humain devant nous, qui a droit d’avoir des émotions, des réflexions et une personnalité.
Non, je ne suis pas une éducatrice, ni un parent, à qui l’on obéit au doigt et à l’œil. Et j’en suis fière ! Il arrive qu’un enfant refuse de répondre à une consigne, qu’il se fâche et même, qu’il crie après moi. Oui, vous avez bien lu!!!
Si vous passez par chez moi, mon groupe est généralement assez calme et joyeux. Les crises de frustrations ne fusent pas de toutes parts et les objets ne volent pas dans les airs. Je n’ai pas la tête ébouriffée d’avoir lutté, la face ravagée de fatigue et les yeux exorbités de stress… Le midi, ils nous arrivent même d’avoir des dîners quasi silencieux, ou chacun semble bien calme… Et mange, tout simplement.
Non, je ne suis pas une éducatrice, ni un parent, à qui on obéit au doigt et à l’œil, mais je ne suis pas non plus une éducatrice ou un parent à qui l’on manque de respect ! Voilà, pour moi, ou se situe la limite entre la bienveillance et le laxisme.
Remettons les choses en perspectives. L’heure du dîner n’est pas toujours calme dans mon service de garde, encore moins le soir à la maison, et j’ai parfois très chaud, mais: le cerveau de l’enfant est en construction et RESPECT est tatoué en lettre d’or sur les murs de ma maison.
Ce n’est pas moi qui l’invente, les neurosciences l’expliquent avec les dernières recherches ; le cerveau du tout-petit est immature, et cette immaturité explique beaucoup de comportements chez celui-ci… Comportements que l’on a tendance à percevoir comme de l’opposition et de l’agressivité. En fait, notre petit de deux, trois et quatre ans, évolues avec des parties de son cerveau encore en formation, dont la partie frontale. Cette partie où se trouve le siège du raisonnement, de l’impulsivité et de la résolution de problème.
Évident non ? Eh bien non, pas tant, et pas pour tout le monde.
Alors amies éducatrices, parents, grands-parents, et alouette, rien ne sert de capoter! Ti-Pit ne vous défi pas, il ne sait simplement pas comment réagir face à multiples émotions qui l’envahisse et son cerveau ne peut pas encore parvenir à réagir de façon adéquate.
La parentalité positive et l’éducation bienveillante se base sur ces connaissances pour poser les assises de leurs interventions.
Aussi simple que ce soit, je ne l’avais pas compris dans mes premières années en éducation. Dans ma tête, si un enfant faisait une crise, lançait des jouets, mordait, hurlait, etc., et que je n’arrivais pas à contrôler ses comportements, je recevais l’image de mon incapacité à gérer un comportement. Malgré tout mon bon vouloir et mes interventions, je devenais stressé et angoissé… Ça ne marche pas, j’ai beau tout faire, il n’arrête pas…
Miraculeusement, quand j’ai compris qu’une part des comportements étaient dû au développement du cerveau du tout-petit et non à mon incapacité d’intervention, mes épaules se sont libérées de 200 livres. Et tenir compte de cette réalité neurologique, c’est dire adieu au besoin de tomber dans l’autoritarisme et le besoin de se faire obéir sur le champ.
Un enfant qui fait une crise, hurle, tape et crache, c’est normal.
Ben oui toi!
Est-ce que ça veut dire que lancer des jouets, faire le bacon à terre et taper, c’est acceptable? NON.
Alors qu’est-ce qu’on fait ???
Règle 1 : On relaxe et on se rappelle que le cerveau du tout-petit est immature et que l’enfant a besoin d’apprendre le bon comportement.
Règle 2 : On intervient de façon positive et bienveillante.
Non, je ne vous parle pas de devenir un clone de la maman de Caillou. Je vous parle de vous mettre en position de compréhension. On se met en position de guide pour l’enfant.
Oui, on accueille ce qu’il vit. Ses émotions. Non, on n’accepte pas tous les moyens pour les exprimer.
Et on lui montre. On enseigne les comportements acceptables pour exprimer sa colère, son désaccord, sa tristesse et parfois même, sa joie !
On met l’accent sur les conséquences logiques d’un comportement inacceptable au lieu de punir. On nomme et parle des émotions, et surtout, on cherche le besoin derrière les comportements ! Parce que la grande majorité des comportements inacceptables partent d’un besoin non comblé. Seulement, l’enfant n’a souvent pas la capacité langagière et cognitive de le communiquer à l’adulte. Alors il adopte un comportement qui exprimera son inconfort intérieur.
Est-ce que ça veut dire sourire à l’enfant qui tape ? Laisser les enfants tout faire et ne pas avoir de règles ? Non ! Ça veut simplement dire qu’on reste calme, qu’on reconnaît ce qu’il vit et qu’on lui enseigne la bonne façon d’exprimer tout cela.
Les enfants ne sont pas méchants, agressifs, colériques, provocants, etc. Ils vivent une émotion et ne savent pas comment l’exprimer. Plus nous reconnaîtrons ce qu’ils vivent, et leur enseignerons comment l’exprimer, plus nous les encouragerons à collaborer. Ça ne se fera pas en un jour ! Apprendre, se construire et développer des aptitudes, ça prend du temps !
Non, les enfants ne m’obéissent pas aux doigts et à l’œil.
Parfois ils crient dans ma salle de jeux, parfois ils tapent, lancent les jeux et refusent d’obtempérer face à une consigne.
Mais 90 % du temps, ma salle de jeux est calme (comme six enfants peuvent l’être !), les enfants collaborent, font de leur mieux et apprennent un peu plus chaque jour. J’ai compris que les enfants étaient de petits humains en constructions, et que dans le feu de l’action, au milieu de notre quotidien souvent surchargé, on oublie souvent qu’ils ne peuvent pas maîtriser ce que beaucoup d’adultes peinent encore à maîtriser eux-mêmes. J’ai accepté de les accompagner à comprendre leurs émotions, à les nommer et à vivre les conséquences logiques de leurs gestes, ce qui veut dire qu’ils vivront parfois des peines et des déceptions.
Non, les enfants ne m’obéissent pas aux doigts et à l’œil. Ils s’expriment, et je tente de leurs enseigner quel comportement adopter pour les exprimer dans le respect d’eux-mêmes… Et des autres. De façon positive… Et bienveillante…
À bientôt,
Émilie Martinet
(maman passionnée et éducatrice à la Petite Enfance)
Blog Natis