Par Nathalie Lizé
Éducatrice à la Petite Enfance
L’Éducation préscolaire par la nature, (Forest School, nature school, outdoor preschool), vous connaissez? Cette approche émergente se développe avec force dans les classes et les milieux de garde au Québec et dans le reste de l’Amérique du Nord depuis quelques années. Elle est plus commune en Europe et dans plusieurs pays dans le monde mais, avant d’en faire un survol, je pense qu’il serait intéressant d’en connaître l’origine.
D’abord au Danemark
Elle prend naissance dans les pays scandinaves, plus précisément au Danemark. Cette philosophie d’enseignement fut imaginée par Ella Flateau, dans les années 1950. Confrontée à des écoles remplies à pleine capacité, elle innove en proposant de déplacer les classes à l’extérieur pour bénéficier de davantage d’espace. C’est ainsi que les forest School voient le jour. Les fondements de cette approche ont d’abord été pensés par le pédagogue allemand Friedrich Fröbel. Qui ouvre les premiers jardins d’enfants (kindergarten en Allemagne) en 1830. Son but premier était de permettre aux enfants de familles défavorisées, d’âge préscolaire de fréquenter un milieu de garde. Ainsi, les ouvriers pouvaient se rendre au travail et leur progéniture pouvaient sortir de chez eux et faire de nouvelles expériences. Vous pouvez en apprendre davantage sur lui et sur sa pédagogie en consultant ce lien.
https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Friedrich_Fr%C3%B6bel
Se développer dehors
La prédominance des matériaux naturels et des apprentissages à l’extérieur caractérise cette méthode éducative particulière. Les domaines de développement sont travaillés dans leur globalité (physique et moteur, cognitif, affectif, social et langagier), les enfants apprennent en explorant leur environnement, développent leur autonomie, leur capacité d’adaptation et leur relation avec leurs pairs dans le jeu libre et le plaisir. Leurs locaux n’ont pas de murs et leurs découvertes n’ont pas de limites. Les petits retrouvent le pouvoir de jouer sans contraintes excessives, à l’extérieur. En plus de voir leur besoin de bouger et d’explorer comblés, ils se sensibilisent au respect de l’environnement. Quoi de mieux pour apprendre à prendre soin de la nature que d’être en contact avec elle quotidiennement ? De plus, l’exposition fréquente à l’extérieur favorise le calme et amène naturellement à vivre à un rythme plus lent. Le bruit y est moins fort et les superficies de jeux plus spacieuses. Le sentiment d’apaisement et l’ambiance de quiétude qui règnent dans la forêt ou dans d’autres espaces verts favorisent une meilleure santé mentale et physique. Le rythme de chacun est plus facile à respecter puisque l’horaire est moins contraignant. Passer du temps à l’extérieur favorise une meilleure capacité à se concentrer donc, aide les enfants ayant des problématiques au niveau de l’attention et de l’hyperactivité. Pour ceux aux prises avec de l’anxiété et de la difficulté à gérer le stress ainsi que les enfants présentant un trouble du spectre de l’autisme cette pédagogie présente des bénéfices certains. Les mouvements particuliers qui sont faits en plein air sur des sols bosselés, rocheux, sableux, boueux et où les bambins grimpent et courent sur toutes sortes de surfaces, stimulent une motricité globale différente de celle qui existe à l’intérieur. Le système immunitaire s’en trouve également renforcé. En somme, du point de vue physique et mental, les bienfaits sont non discutables.
Concrètement c’est quoi ?
Le mot d’ordre est d’être en plein air le plus souvent possible et le plus longtemps possible. D’y vivre les activités quotidiennes beau temps mauvais temps, par temps doux et froid. D’offrir les espaces et de laisser les enfants faire le reste. Pour en profiter au maximum, il est nécessaire d’adapter vos vêtements à la température, vos routines à votre milieu et à chacun des petits. C’est tellement agréable de jouer dans la boue, dans des flaques d’eau, ou dans la neige. L’accueil du matin, le dîner, la sieste, les moments de jeux et même les fins de journées se vivent au grand air. On laisse les enfants grimper, courir, sauter. On leur permet de prendre des risques calculés tout en gardant la sécurité en tête. Par exemple, nous savons que grimper à un arbre augmente la confiance en soi, l’autonomie et la débrouillardise. Donc, nous sommes avec l’enfant mais nous le laissons expérimenter. Cette réalité impose que le partenariat avec les parents qui doit toujours exister en service de garde soit mis de l’avant. Il devient un enjeu majeur. Ils doivent comprendre la réalité de cette exposition à certains risques et adhérer à cette philosophie. Car, tous ces moments extraordinaires qui ne peuvent se vivre entre 4 murs leur permettent aussi d’apprivoiser les limites de leur corps et de les pousser plus loin. Les amis s’entraident en cherchant des solutions ensemble, ce qui permet de renforcer les liens et d’améliorer la socialisation. Le jeu symbolique à partir d’objets trouvés en milieu naturel est également stimulé. Un paquet de petites branches devient un feu de camp, une maison de fourmis ou encore un barrage de castor. On peut les compter, les classer par grandeur ou encore les peindre. Le contact avec les insectes, les petits animaux ou les oiseaux permet de sensibiliser au monde des vivants, de comprendre qu’il faut en prendre soin. Les possibilités sont infinies mais surtout les activités doivent venir du jeu libre et des enfants et se dérouler dehors et avec des matériaux naturels. Le langage est stimulé par de nouveaux mots, un vocabulaire diversifié et plus élaboré. Comme il y a moins de bruit, certains bambins qui ont tendance à moins s’exprimer seront peut-être plus à l’aise de la faire.
En milieux urbains aussi
On croit à tort qu’il n’est pas possible de travailler avec cette philosophie éducative en milieu urbain. Cela demande une capacité d’adaptation plus grande et davantage de créativité mais, on peut malgré tout le faire. Il faut adapter la cour, aménager des espaces qui apportent la nature en ville ; des arbres pour y grimper, du sable, de, l’herbe des fleurs, faire des projets jardinages, créer des bacs sensoriels à partir de textures naturelles avec; des pommes de pins, des cailloux, des coquillages des branches, de la paille, etc… soyez inventif et variez les au gré des saisons.
Voici des exemples intéressants pour l’automne et la forêt trouvés sur Pinterest
Cherchez des espaces verts à proximité de vos milieux et retournez-y régulièrement. Partez à la chasse aux insectes, observez les animaux et surtout, laissez les enfants utiliser leur potentiel et leur créativité pour faire leurs propres découvertes et vivre des jeux de rôles en lien avec ce qu’ils voient. L’enfant est le premier agent de son développement. Votre rôle est de le suivre et de guider le tout pour qu’ils aillent plus loin. N’hésitez pas à sortir jouer dans les flaques lorsqu’il pleut. Vos protégés verront que les bruits de la ville sont différents sous la pluie. Évidemment, un parc ne se compare pas à une forêt mais les enfants peuvent y vivre des expériences très enrichissantes quand même. Si vous trouvez le changement trop drastique, allez-y par étapes. Commencez l’été, les jours de beaux temps. Sortez le matin et en fin de journée au début. Ajoutez les collations, les dîners. Essayez une sieste de temps en temps et augmentez le défi. Utilisez votre créativité, laissez aller votre imagination, respectez l’unicité de chacun mais surtout, amusez-vous avec vos tout petits parce que pour apprendre, ils ont besoin de jouer.
Pour vous familiariser davantage avec l’éducation par la nature, je vous suggère fortement d’aller consulter le cadre de référence Alex sur le site de l’AQCPE.
alex-cadre-de-reference_lenp-en-sge_2020.pdf (aqcpe.com)
À bientôt
Nathalie Lizé éducatrice et coach familial